10 ans après mon titre de champion du monde en compétition "classique" de paramoteur et mon désengagement de l'équipe de France pour me permettre de profiter de "vraies" vacances... J'ai voulu retenter l'aventure d'un championnat du monde, et ce d'autant plus qu'il s'agit d'un nouveau format de compétition!
Podium PL1 au 1WPEC 2024 |
Ce nouveau format de compétition a pris sa source dans les années 2010 quand PAAP KOLAR a voulu créer un format "Endurance" pour une coupe nordique de paramoteur qui exploite toute la surface d'une île Estonienne avec un minimum de règles. Après 2 coupes nordiques d'endurance en 2015 et 2016, la première Coupe du monde d'endurance reconnue par la fédération internationale a finalement eu lieu en 2016... suivie d'une seconde coupe du monde en 2018 toujours sur cette fameuse île Estonienne.
Par la suite, les anglais, avec Barney Townsend ont repris le concept du format "endurance", et l'ont fait évoluer pour leur propre championnat national pour finalement le proposer à la FAI en tant que Championnat du Monde.. et c'est en 2024 que sera finalement organisé ce premier Championnat du Monde d'Endurance Paramoteur
En 2022, le britannique Daniel Jones, qui participait au Championnat de France en Open, nous a invité à l'Open Britannique, et nous a évoqué leur format de compétition "endurance"
Daniel Jones |
L'idée me plaisait mais le calendrier ne m'a pas permis d'aller plus loin...
Durant l'été 2023, Sandra m'en a reparlé, et je me suis dit que pour changer j'irais bien tenter le championnat anglais plutôt que le championnat de France pour la saison 2024....
Mais j'ai aussi vu qu'ils organisaient le premier championnat du monde sur ce même format et sur le même aérodrome un mois et demi plus tard... J'ai alors remarqué que ce serait exactement 10 ans après ma médaille d'Or en championnat du Monde de paramoteur... et je me suis dit qu'un retour en compétition internationale après 10 ans serait un joli challenge!
à lire : https://drallam.blogspot.com/2014/08/championnat-du-monde-en-hongrie.htmlMais pour ça, il faut une équipe de France... Or en 2024... la FFPLUM avait déjà au programme un championnat du monde de slalom en paramoteur au Qatar, et un championnat du monde "classic-class" en Angleterre... Alors quand on a évoqué le sujet auprès du team leader et du DTN , on a eu droit à du "ouais bof c'est bizarre ce truc" ou du "on n'aura pas le budget"... Mais petit à petit l'idée a fait son chemin, et la fédé a trouvé un petit budget à allouer à cette aventure, pour emmener une équipe complète au championnat!
Super, mais pour être dans cette équipe, il faut absolument participer au championnat de France, et comme la participation à l'open anglais me semble aussi indispensable, je suis passé de une semaine de congé pour le championnat anglais à 4 semaines de congé pour pour faire les 3 trois compétitions.... soit exactement ce qui m'avait fait quitter l'équipe de France 10 ans plus tôt, et donc adieu le road-trip moto estival que j'avais pris l'habitude de faire depuis....
Les 5 pilotes féminines présentes sur ce championnat |
Pour l'occasion, j'avais décidé durant l'hiver de changer mon paramoteur pour passer sur le nouveau châssis PAP avec son réservoir de 17L, et par la même occasion j'ai changé mon Thor 250 pour un Thor 202 (car le 250 n'existe plus), mais aucune modification du genre bouteille de compétition ou autre...: une pure machine de série.... Coté aile, il y avait un modèle en cours de développement qui m'intéressait, mais la météo ayant retardé la mise au point, je suis resté sur une Piper ITV-Wings...
Bref, j'ai volé avec ce qu'il y a de plus classique... rien d'optimisé pour la performance attendue sur ce genre de compétition... mais surtout un aéronef, fiable, et sécuritaire pour me permettre de me focaliser uniquement sur la navigation, et jamais sur des soucis de carburation, ou d'aérologie trop turbulente... contrairement aux choix de beaucoup des mes concurrents..
Coté planche de nav... c'est simple c'est la même depuis 2008.... Ce qui est rigolo, c'est qu'au début tout le monde trouvait que j'avais un porte-carte trop grand, et cette année je devais avoir un des plus petit de l'équipe de France... Bon, j'avais envisagé d'en refaire un plus grand... mais je crois que j'ai eu un peu la flemme... j'aimais aussi l'idée de continuer à utiliser ce bon vieux porte-carte, et ce d'autant plus que ça avait plutôt bien marché avec lui pour l'Open Britannique... Je me suis aussi permis de faire ce choix car l'organisation proposait de fournir la carte de la compétition imprimée au 1/100 000 en plus de la version standard au 1/66 666. Sachant que la carte est originellement prévue pour une impression au 1/50 000 ça implique que les détails de la carte deviennent très petits et moins lisibles... mais la carte est surtout moins grande... ce qui devrait limiter les besoins d'origami...
Video FB de Daniel Jones montrant son travail d'origami sur son porte-carte
Mon porte-carte en 2008 |
La veille du début de la compétition nous avons reçu les fameuses cartes de la compétition : 4 feuilles A3 au 1/66 666 ou 2 feuilles A3 au 1/100 000. Bonne nouvelle: l'organisateur a fait appel à un imprimeur, et la qualité d'impression est excellente, j'envisage alors sérieusement d'utiliser la version au 1/100 000
Ensuite on nous a annoncé que la première fenêtre de vol serait ouverte de 7H à 16H le lendemain, et que le temps de vol serait limité à 5H.
Sur cette carte il y avait 2 navigations de précision (snake) de 50km pour 750 points chacune, 2 navigations à vitesse déclarée de 35km pour 800points chacunes, 2 navigations à vitesse constante de 35km pour 800 chacune, et un tas de balises à 10, 20 , et 30 points en fonction de leur distance au terrain... bref l'équivalent de ce qu'on avait à l'open, mais avec 6 jours pour tout faire au lieu de 4 pour l'open... J'aurais pensé avoir plus de parcours sur la carte, avec plus variabilité sur les distances et les points.... mais c'est un premier championnat du Monde, alors on va pardonner cette erreur de jeunesse... d'autant plus que la météo des prochains jours n'a pas l'air géniale...
D'ailleurs, en y regardant de plus près, il n'est pas impossible que cette première journée de vol, soit aussi la seule "grosse" journée de vol.... Etant donné que je ne peux pas voler 5h en une fois avec mon matériel, je commence ma préparation avec l'idée de voler 3H, revenir faire la plein, puis repartir pour 2H max
En testant rapidement les points que l'on peut gagner avec les balises, il semble vite évident que les navigations de précision rapportent plus de points à l'heure de vol que les navigations, et comme on n'aura probablement pas le temps de tout faire, je décide d'éviter de perdre à faire des détours pour prendre des balises, et je cherche à maximiser le nombre de navigations que je peux faire ce premier jour. Je décide donc d'abandonner les 2 navigations les plus éloignées, que je garde pour de futurs éventuels créneaux de vol et avec lesquelles je pourrais aller chercher des balises éloignées.
Je prépare donc un premier vol avec l'épreuve 2 (vitesse déclarée), l'épreuve 5 (vitesse déclarée), et l'épreuve 3 (vitesse constante) plus quelques balises qui sont sur le chemin pour un temps total de 2H45. Avec la carte au 1/100 000, tout rentre sur mon porte-carte sans faire d'origami: nickel!
Et pour le second vol (qui s'annonce plus tourmenté puisque vers midi....), je prévois l'épreuve 1 qui est une "snake" suivie d'un ratissage de toutes les balises à proximité avant de rentrer au terrain, et en plus je n'aurai pas besoin de recaler ma carte sur ma planche de nav entre le 2 vols : super!
Ma planche de nav. au retour de cette première matinée de vol |
Le dimanche matin, décollage dans les premiers, comme d'habitude, pour profiter un maximum de l'air calme. La première navigation se passe plutôt bien, mais j'ai quand même 2 écarts de 15 et 20 secondes qui vont me faire perdre des points et me classer au final 4ème sur cette épreuve avec 688 points sur 800.
Sur la seconde épreuve ça se passe mieux, je n'ai qu'une balise avec 15 secondes d'écart, et je gagnerai (on ne sait si on a gagné une épreuve que quand le championnat est fini.. mais comme j'écris ceci après le championnat.. je me permets cette liberté narrative... ;-) ) cette épreuve avec 754 points sur 800
Pour la troisième, tout pareil et je gagnerai encore l'épreuve avec 720 points sur 800.
De retour au terrain, je prends mon temps car, quoi qu'il arrive, le second vol va se faire en conditions turbulentes puisque la convection se met en place, et je ne vais rien gagner à redécoller un quart d'heure plus tôt... donc je refais le plein, Je me réhydrate et mange quelques barres de céréales, et regarde attentivement ce qui m'attends sur mon second vol. Puis je redécolle après une heure au sol...
En l'air les conditions sont effectivement devenues bien turbulentes, mais je suis serein sous ma Piper. La navigation se fait sans encombres, rien à signaler. Au final je vais aussi gagner cette épreuve en passant toutes les portes cachées, à égalité avec le Qatari : Al-Hebabi : 750 points sur 750.
Après un bon repas (merci Bruno et Fred!), une bonne petite sieste, puis nous préparons à nouveau nos machines pour une précision d'atterrissage Bowling avec 10 quilles pour 500 points. Et nous ne serons que 5 à faire tomber toutes les 10 quilles.
Pas de vol lundi et mardi, trop de vent... mais on a quand même préparé complètement une manche d'économie de carburant : on a vidé nos machines et rempli des bidons avec tous la même quantité d'essence, avant de finalement tout remballer...
Mardi soir nous avons préparé une navigation pour le mercredi matin avec une fenêtre de vol de de 5H à 10H du matin, pour un temps de vol limité à 2H30. Il me reste une snake et une navigation à vitesse constante... vu le vent, je ne peux pas faire les deux, et la vitesse constante risque d'être impossible (trop de vent).
Je commence donc à préparer mon vol, mais avec les prévisions de vent, je rencontre rapidement un problème : si je vole à vitesse max: je fais facilement tout le parcours dans les temps, mais il me manque du carburant... et si je vole lentement: il me reste bien de l'essence, mais je dépasse les 2H30 de vol... Bon, je recalcule tout, en me mettant à vitesse max face au vent, et tout trimé vent arrière, afin d'obtenir un compromis acceptable...
Mercredi matin, on prépare nos machines avec les lampes frontales.... mais je temporise très exceptionnellement afin de ne pas partir dans les tout premiers.. en effet, il risque d'y avoir de la brume et je préfère attendre un poil pour voir si les premiers font demi-tour pour temporiser à cause d'un parcours embrumé... de plus le vent a peu de chances de monter dans la première heure... et si il monte plus tard... dans mon cas, ça risque plutôt de m'aider à rentrer.... Je laisse donc les 2 premières lignes s'installer devant moi, ce qui me fera décoller seulement 10 minutes après le start mais plus serein sur les conditions...
En vol je prends de l'avance sur tout mon parcours pour rejoindre la snake puis sur la snake... donc le vent doit être moins fort que je ne l'ai prévu... j'en profite alors pour changer mon parcours afin d'aller chercher plus de balises sur le retour vent arrière tout en gardant en tête que si le vent est moins fort je vais aller moins vite sur le retour et qu'il faut donc pas que je sois trop gourmand..
Je terminerais 3ème sur cette snake avec 700 points sur 750... à cause d'une porte cachée ratée... En y regardant de plus près en fin de championnat quand l'organisateur a révélé la position des portes cachées, cette porte était mal placée par l'organisateur... j'ai mesuré un écart latéral de 70m entre le fichier google eartth de contrôle et notre carte ... bien évidemment nous avons fait une réclamation auprès de l'organisateur (et beaucoup d'autres de la part de beaucoup de pilotes pour des problèmes similaire sur d'autres balises). Cette porte a finalement été repositionnée.... mais, d'après moi, de seulement la moitié de son décalage... ce qui fait que je n'ai pas pu récupérer mes 50 points.... bon, je n'avais qu'à être plus précis et cette erreur de l'organisateur ne m'aurait pas impacté... et je n'avais pas envie de me battre plus que nécessaire.... Bref c'est quand même dommage d'avoir des soucis de positionnement des points de contrôle sur un championnat du monde... :-(
Jeudi... pas de vol non plus....
Vendredi : on a eu droit à une éco pure pour clôturer le championnat! 2kg d'essence pour tout le monde, et celui qui vole le plus longtemps gagne... Bon, c'est clairement pas mon épreuve préférée, et mon matériel de série ne va pas m'aider face aux pilotes qui ont passé l'hiver à bricoler et tester leur moteur.... (merci quand même à mon ami et concurrent direct micka pour avoir essayé de m'aider à optimiser mon 202 ;-) )
La fenêtre de vol prévue de 14 à 16H va tranquillement se décaler pour attendre des conditions moins fortes... pour finalement s'ouvrir pour seulement 45 minutes.. comme d'habitude dans ce genre de situation les français vont tous décoller dès l'ouverture de la fenêtre, d'autant plus que le vent est plutôt cool.. et la suite va nous donner raison car le vent va monter brutalement (cycle thermique normal depuis le début de l'après-midi) ce qui va faire rater leur décollage à quelques pilotes et la fenêtre de vol va se fermer.... mais hélas le directeur de course ne va pas la rouvrir quand le vent se calmer 10 minutes plus tard, empêchant ainsi de voler tous les pilotes qui ne se sont pas dépêchés à l'ouverture de la fenêtre de vol... Bref encore une fois pas cool pour un championnat du monde.... 😕
Je vais voler 38 minutes... en enroulant quasiment rien de très bénéfique (il faut dire que je ne cherche à enrouler des thermiques qu'en compétition...) et je vais finir cette épreuve dans les choux avec seulement 575 points sur 1000....
Au final je suis second, avec seulement 31 petits points de retard sur Glenn et plus de 1200 points d'avance sur la Qatari Al-Hebabi... c'est un peu frustrant vu la porte cachée de 50 points qu'il me manque... mais j'aurais aussi pu baisser un peu mes marges de sécurité en allant chercher 40 points de balises supplémentaires, ou en baissant plus la richesse de mon moteur pour gratter les 3-4 minutes qui m'auraient fait gagner... mais bon, il ne faut pas oublier que derrière moi il y a des pilotes performants qui ne sont derrière que parce qu'ils ont pris trop de risques et ne se sont pas gardé de marge d'erreur! Bref, une médaille d'Argent, sans vraiment s'entrainer et sans matériel optimisé c'est plutôt inattendu!!! ça aurait sympa de reprendre une médaille d'Or juste 10 ans après la première, mais je suis quand même super content d'avoir fait ce résultat!!!
A noter : il y a 11 ans avait lieu le Premier championnat du Monde de Slalom... et devinez mon résultat ? Médaille d'argent! ça fait donc 2 médaille d'argent à 11 ans d'intervalle sur 2 championnat dont c'est la première édition! Mais du coup... l'année prochaine ça fera aussi 11 ans depuis ma première médaille d'Or... en classique.... Et l'année prochaine c'est de nouveau un championnat classique.... ???? ;-)
En plus de ma médaille d'Argent individuelle je repars aussi avec celle en Or pour l'équipe de France Chariot! Et je suis particulièrement fier de cette équipe car nous étions 6, et nous avons pris les 7 premières places de la catégorie!!!!
Mieux, tous les pilotes ont rapporté des points pour ce classement (on prend les 3 meilleurs scores de chaque nation sur chaque épreuve), et encore mieux : en supprimant n'importe quel pilote de l'équipe : on aurait quand même eu cette médaille!!! Ce qui montre à quel point tous nos pilotes se sont surpassés pour dominer ce championnat!
Et coté décollage à pied, la moisson a aussi été très bonne avec une médaille de d'Or et une de Bronze en individuel, mais aussi la médaille d'Or par Equipe!!!!
Bref, on a entendu un seul hymne pour les 4 podiums de la compétition, et c'était "La Marseillaise"!!!!
Et ces médailles nous les avons obtenues aussi grâce au Staff de l'équipe de France, avec Bruno, Fred et Yoann, qui nous ont assisté sur le terrain pour tous les décollages (beaucoup de stress en moins quand on décolle au milieu d'un troupeau de paramotoristes et qu'on se fait facilement souffler son aile, quand on rate un décollage, ou quand on a des soucis pour démarrer son moteur...)! Et ils nous aussi aidé en gérant toute la logistique sur place et en particulier les repas!!! ce qui nous a permis de rester focalisés sur la compétition!!!
Et surtout Jean-Emile et Pascal V, nos Team Leaders qui on fait l'intermédiaire entre nous et la direction de course avant et surtout après les épreuves.
Sans tous ces soutiens il aurait été difficile de faire aussi bien et beaucoup de nations nous ont envié pour ça! Alors encore merci et bravo à eux pour leur implication et leur dévouement!
ps : heureusement qu'on a réussi à dépasser le "ouais bof", et le "y'a pas de budget" pour arriver à ce résultat magistral!!!! ;-)